Le 12 avril 2011

Retraite et indépendants : des préoccupations et des stratégies d’épargne spécifiques

Professions libérales, artisans, commerçants, industriels... Les travailleurs non salariés, ou "indépendants", ont conservé, avec la réforme des retraites, des régimes de base par professions, différents de ceux des salariés du secteur privé ou public. Comment se préparent-ils spécifiquement à la retraite ? Zoom sur leurs comportements d’épargne.

Prévoyants, soucieux de leur niveau de vie futur, les indépendants misent sur la diversification de leur patrimoine pour préparer leur retraite, en privilégiant notamment l’assurance vie et l’immobilier, comme le montrent l’enquête réalisée pour BPCE L’Observatoire par l’Institut CSA (1) et l’étude "PEPITES" menée par le même institut d’études (2).

Les indépendants : une catégorie professionnelle plus défiante vis-à-vis du système des retraites actuel
Les indépendants comptent parmi les actifs qui sont le plus favorables à la mise en place de solutions complémentaires, ou alternatives, au système actuel par répartition. Seuls 29 % d’entre eux préféreraient « préserver au maximum le système de retraite actuel par répartition » (contre 41 % des actifs), 36 % optant pour « le compléter par des produits d’épargne retraite » et 26 % prônant « une réduction du système actuel au profit de choix individuels d’épargne » (contre respectivement 34 % et 21 % pour l’ensemble des actifs) (1).

Un besoin d’épargne complémentaire anticipé par la plus grande majorité des indépendants
En parallèle, 81 % des indépendants estiment que leurs cotisations obligatoires ne leur offriront pas des revenus suffisants pour vivre correctement à la retraite (1). Une inquiétude partagée par l’ensemble des actifs, mais de manière moins marquée (73 %). D’ailleurs, 23 % des indépendants anticipent un taux de remplacement inférieur à 40 % lors de leur passage à la retraite et 60 % un taux de remplacement en deçà de 60 %, contre respectivement 9 et 35 % de l’ensemble des actifs (1).
Cette appréhension tient en partie à deux facteurs :
- Un parcours professionnel plus fréquemment affecté par des "ruptures" : 32 % des indépendants disent avoir connu
« une ou des périodes de chômage de plus d’un an », contre 21 % des actifs, et 28 % « des périodes d’activité non prises en compte pour la retraite », contre 20 % des actifs (1).
- Les incertitudes pesant sur leur capacité future à tirer parti de la cession de leur entreprise : 30 % des professionnels de 55-59 ans pensent que « leur affaire cessera d’exister lors de leur départ à la retraite » et 27 % « ne savent pas ce qu’elle
deviendra » (2).
Cette anticipation d’une forte baisse de leurs revenus et cette inquiétude les incitent à se préoccuper particulièrement de leur retraite : 50 % des indépendants déclarent la préparer déjà financièrement (1).

La retraite : une des premières préoccupations financières des indépendants
Outre les problématiques intrinsèques à la santé de leur affaire, la constitution de la retraite se place en effet parmi leurs préoccupations financières majeures : elle constitue une préoccupation pour 62 % des dirigeants de TPE de moins de 10 salariés, avant l’amélioration de la protection sociale individuelle (59 %) ou de celle de l’entreprise (47 %) (2). On remarque même une forte croissance de cette inquiétude depuis quelques années : en 2007, ils n’étaient que 53 % à la considérer comme une de leurs préoccupations financières.
La retraite ressort d’ailleurs parmi les besoins majeurs des professionnels en matière de conseil : 28 % d’entre eux en font leur priorité n° 2, après l’utilisation de la réglementation fiscale (33 %). Un besoin d’aide externe encore plus marqué chez les commerçants de 40 à 49 ans (38 %) et qui ressort davantage pour les femmes dirigeantes (32 %) que pour leurs homologues masculins (26 %) (2).
Cette forte préoccupation “retraite” s’inscrit dans un souci plus large de couverture prévoyance chez les indépendants. Il se traduit par la montée structurelle dans les créations d’entreprises des entités "personnes morales" (avec notamment la possibilité pour le dirigeant de se salarier) au détriment du statut d’entrepreneur individuel : passant de 42 % en 2000 à
48 % en 2008, puis à 62 % en 2010 si l’on exclut du total des créations celles effectuées sous statut 
d’auto-entrepreneur (3).

Une préoccupation qui s’accentue à partir de 40 ans
Pour autant, la préoccupation “retraite” n’intervient pas obligatoirement plus tôt pour les indépendants que pour les autres catégories d’actifs. Le développement de l’affaire est en effet souvent prioritaire, de même que l’accession à la propriété, comme pour les actifs salariés.
C’est ainsi à partir de 40 ans que cette préoccupation se fait ressentir plus fortement : 37 % des professionnels de 40-44 ans estiment qu’il s’agit pour eux d’une « préoccupation prioritaire », contre 30 % des 30-34 ans (2). Le passage à la cinquantaine constitue un second moment clé : ils sont alors 41 % à considérer la préparation de la retraite comme prioritaire et 33 % à manifester un besoin d’aide. La gestion du patrimoine privé et professionnel, mais aussi l’amélioration des performances des placements, sont, à cet âge, de fait relégués au second plan (24 % et 11 %) (2).

Une préparation intimement liée à la diversification du patrimoine privé et professionnel
S’il faut attendre la quarantaine pour voir émerger chez les indépendants une préoccupation plus forte pour la retraite, ces derniers n’attendent pas pour se constituer un capital “retraite”, en diversifiant tôt leur patrimoine privé et professionnel.
L’appropriation des locaux professionnels est en effet une option rapidement envisagée : entre 35 et 39 ans, 27 % des indépendants sont propriétaires de leur immobilier d’entreprise (2). Entre 55 et 59 ans, cela concerne près de la moitié d’entre eux. Ils sont également très tôt propriétaires de leur logement principal : près de la moitié d’entre eux dès 30-34 ans, plus de 70 % après 45 ans (2).
Ils investissent également dans l’immobilier locatif, qui concerne 20 % des indépendants âgés de 40-44 ans et plus de 30 % à partir de 55 ans (2).
Mais la diversification de leur patrimoine ne s’arrête pas là. Entre 40 et 49 ans, plus de la moitié des indépendants détiennent un contrat d’assurance vie et, à l’approche de la retraite (55-59 ans), plus de 40 % sont titulaires de valeurs mobilières (2).

Les indépendants : un taux de détention d’épargne-retraite supérieur à la moyenne
En plus de ce patrimoine largement diversifié, les indépendants, tout comme les fonctionnaires, se distinguent par un taux de détention d’épargne-retraite supérieur à la moyenne. Cette tendance s’explique par le fait que les contrats Madelin, tout comme les contrats Préfon, ont été conçus spécifiquement pour cette population. Ils bénéficient symboliquement d’une forme de parrainage initial de l’Etat et d’avantages fiscaux qui contribuent à leur diffusion. Créé en 1994, le dispositif Madelin atteindrait 850 000 contrats, soit 61 % des indépendants éligibles au dispositif selon la FFSA (Fédération française des sociétés d’assurance) (4).

 Pour aller plus loin : retrouvez
- les interviews vidéo d’Alain Tourdjman, directeur des Études économiques et de la Prospective de BPCE "Réforme des retraites : quel impact pour les indépendants ?" et "Retraite : comment répondre aux problématiques spécifiques des indépendants ?"
- l’article "BPCE L’Observatoire : face à la retraite, les Français veulent « sécuriser » des revenus sur le long terme"
- l’étude Le nouvel âge des retraites, aspirations et stratégies d’épargne sur www.bpcelobservatoire.fr


(1) Source : étude BPCE, enquête réalisée par l’Institut CSA auprès de 1 634 personnes âgées de 18 à 75 ans hors étudiants, juillet 2010, pour Le nouvel âge des retraites, aspirations et stratégies d’épargne (publiée en novembre 2010 par BPCE L’Observatoire)
(2) Source : étude "PEPITES" (Petites entités personnelles industrielles et de services) réalisée par l’Institut CSA auprès de 1 594 entrepreneurs individuels ou dirigeants d’entreprises de moins de 10 salariés, 2009-2010
(3) Source : INSEE. L’explosion des auto-entrepreneurs en 2009 et 2010 s’est essentiellement effectuée au détriment des autres créations sous forme de personnes physiques, les créations sous forme de société s’étant à nouveau redressées en 2010, après un léger fléchissement en 2009.
(4) Source : Conseil d’Orientation des Retraites, séance du 16 juin 2010 : « Les données récentes de la Fédération Française des Sociétés d’Assurances sur l’épargne retraite ».