Deux femmes qui lisent un document
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Quel regard porte le banquier sur une entreprise innovante ?

Rencontre avec Romain Dekeyser, responsable Néo Business et Green Business.

Le dispositif Néo Business de la Caisse d’Epargne est spécifiquement dédié au financement des entreprises innovantes. Mais en quoi est-ce si différent de financer une entreprise innovante par rapport à une entreprise classique ? Nous avons interrogé Romain Dekeyser, responsable Néo Business et Green Business à la Caisse d’Epargne Hauts-de-France.

Le principe du « cash burn » fait partie du modèle des start-ups*

N’est-ce pas inquiétant pour un banquier ?

« Financer des entreprises qui commencent par beaucoup dépenser sans présenter un produit prêt à être commercialisé (un MVP), qui plus est sur un marché émergent, ce n’est pas ce qu’on apprenait classiquement à l’école du financement il y a encore quelques années », en effet, concède Romain Dekeyser. Mais les banquiers, comme les autres acteurs de l’écosystème innovation, ont fait évoluer leur vision du métier, leurs pratiques, leur approche et leurs méthodes d’analyse des risques, explique-t-il. « Pour le financement, on va regarder la technologie, le marché, les perspectives de croissance et la traction commerciale afin de bien appréhender le business model de la start-up. »

Mais là n’est pas l’essentiel : « ce que regarde avant tout un expert du financement des entreprises innovantes, ce sont les qualités entrepreneuriales du porteur de projet et de l’équipe qui l’entoure, par exemple, avec les compétences techniques, financières et commerciales. Nous allons aussi porter notre attention sur l’accompagnement
de l’écosystème (incubateurs, business angels, investisseurs publics ou privés…). »

Pitcher devant son banquier, c’est comme le faire devant un investisseur ou Bpifrance ; il faut présenter le même pitch deck (avec l’intégration du business plan) et être prêt à soutenir sur tous les points d’attention du projet : le modèle de rémunération et de facturation, les perspectives de croissance, les barrières à l’entrée du marché, la concurrence, la capacité à développer son chiffre d’affaires et l’équilibre bilanciel de la structure.

Malgré une solide analyse de risques, il y a toujours un risque d’échec.

Comment le banquier fait-il pour s’en prémunir ?

90 % des start-up créées font faillite dans les cinq premières années, quand 60 % des entreprises dites « classiques » sont encore en activité au bout d’une demi-décennie. Quand on sait que par ailleurs certaines start-up n’auront pas engrangé un seul euro au bout de deux ou trois ans, cela peut laisser une addition salée à ceux qui ont pris le pari d’investir et de les financer.

Alors, comment fait le banquier pour identifier les 10 % d’entreprises innovantes qui seront bel et bien là pour rembourser leurs emprunts ?

Le conseil de Romain Dekeyser

Responsable Néo Business et Green Business à la Caisse d’Epargne Hauts-de-France.

  • On accompagne prioritairement « des entreprises qui ont déjà effectué des levées de fonds ou sont en cours de levées de fonds. Le métier du banquier n’est pas celui du capital-risqueur, mais il peut permettre de faire un effet de levier en dette sur les fonds propres ».
    À la marge, les Caisses d’Epargne participent à certaines levées de fonds après la série A.
  • On s’intéresse de près au positionnement dans l’écosystème : « l’entrepreneur qui a une très bonne idée, un profil très intéressant et de bonnes capacités à argumenter, mais n’est pas suffisamment inséré dans l’écosystème a moins de chances de réussir qu’un autre qui serait moins flamboyant au premier abord, mais qui est accompagné par un incubateur ou un accélérateur, qui a des partenaires significatifs, etc. ».
  • On demande systématiquement que la BPI soit intervenue en amont ou qu’elle intervienne avec nous.
  • On raisonne en fonction des indicateurs du secteur. « Les secteurs à maturité longue (comme certaines industries) appellent du financement à maturité longue. Mais le banquier n’a pas vocation à financer de la recherche. »

Mais alors, le banquier retombe sur les fondamentaux du financement d’entreprise classique ?

Le métier de banquier de l’innovation n’est pas si éloigné du métier de banquier d’entreprise classique, car son rôle, « c’est d’amener à maturité les entreprises, pas seulement pour faire grandir la valorisation, mais aussi pour renforcer la création de valeur », dit Romain Dekeyser, assumant parfaitement ce « retour aux fondamentaux : donner des moyens aux perspectives de rentabilité d’une structure ».

Aussi, dans la chaîne de financement des start-up et entreprises innovantes, « le banquier d’entreprise est souvent le cartésien de l’équipe », plaisante Romain Dekeyser. « On va s’intéresser de près à des indicateurs comme le niveau de fonds propres, pour s’assurer qu’on ne contribue pas à des effets de levier déviants. Et notre regard sur ce point peut alerter d’autres acteurs du financement qui auraient pu se laisser entraîner » dans une course à la prise de participation par trop déconnectée des réalités économiques. « Notre œil critique sur la notion de valorisation est aussi là pour tempérer un peu les mouvements spéculatifs désordonnés ».

Et puis, une banque, c’est un acteur global qui n’a pas les yeux rivés que sur ce qui se passe dans le monde des start-up, se félicite celui qui est également en charge du green business à la Caisse d’Epargne Hauts-de-France. Il soutient que « faire le lien entre transition environnementale, innovation technologique, innovation sociale et développement économique est indispensable », rappelant si cela était nécessaire que « les valeurs de proximité, de progrès et de solidarité de la Caisse d’Epargne ne s’arrêtent pas à l’entrée du dispositif Néo Business ; bien au contraire, elles infusent toute l’activité d’accompagnement de l’innovation ».

Être une banque régionale, qu’est-ce que cela apporte dans une économie de l’innovation mondialisée ?

On peut innover dans de nombreux domaines, mais il y a des choses qui ne changent pas. « L’attachement d’un créateur d’entreprise à sa région de naissance ou d’élection, cela reste un repère important », dit Romain Dekeyser, lui-même enfant du pays, et assumant qu’il a « envie que les start-up accompagnées par la Caisse Hauts-de-France réussissent. Qu’elles réussissent en Hauts-de-France et depuis les Hauts-de-France ».

Ce qui n’empêche pas de voir grand et de voir loin, car l’accompagnement en haut de bilan, comme à l’internationalisation, proposé aux entreprises par la Caisse d’Epargne a fait ses preuves. Mais toujours depuis une perspective locale parce que « cela permet de connaître parfaitement l’écosystème et de connaître personnellement de nombreux acteurs qui l’animent. En tant que banquier, mon rôle, c’est aussi d’être un partenaire qui met en relation l’entrepreneur avec les différents acteurs de sa réussite. Et puis, l’atout maître de la proximité, c’est la rapidité des prises de décision. Ce qui n’est pas un moindre avantage dans une économie qui va aussi vite que celle de l’innovation. »

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*Cash burn ou littéralement « combustion des liquidités.

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